When Will My Life Begin? ✿ Clyde

I

ll était très tard, l’obscurité avait recouvert la ville depuis bien longtemps, ne laissant que les lumières artificielles (pour la plupart tremblotantes voir grillées) pour éclairer ses pas. Cela faisait déjà un moment qu’il n’était plus prudent de se balader seul la nuit dans ce quartier mal famé de Los Angeles… Surtout pour une femme seule, comme Violet. Chevelure blonde reconnaissable, la jeune femme avançait pourtant sans la moindre peur ni même appréhension. D’aucun diraient qu’il s’agissait d’imprudence voire d’inconscience, d’autres de stupidité, ou alors de courage aveugle… C’était un peu des trois, un peu d’autre chose aussi. Malgré son visage d’ange, Violet savait ce qu’elle faisait (plus ou moins) elle avait notamment de très bonnes relations avec le gang en charge de ce territoire depuis qu’elle avait donné un coup de main pour le tuning de leurs motos. Disons qu’elle avait une sorte de don pour se mettre dans la poche des alliés inattendus et parfois quelque peu dangereux… Ce qui n’allait pas du tout avec son apparence.

Quoi qu’il en soit, c’était une belle nuit. Le ciel était découvert et elle pouvait facilement y imaginer des milliers d’étoiles lumineuses (malheureusement invisibles avec la pollution), il ne faisait pas trop frais si bien qu’elle se contentait d’une salopette courte (peinte par ses soins avec des fleurs colorées) avec des bottes montantes, même pas de manteau. Non, la liberté se savourait sous toutes ses formes, comme celle de ne pas être enrubannée dans tellement de couches qu’on avait plus celle de bouger !

Elle marchait donc, tranquillement, se laissant porter par le hasard, sans but particulier. Elle avec sa sacoche remplie de bombes de peintures et de son masque, au cas ou une paroi l’appellerait… Que l’inspiration la frappe comme un éclair. En attendant, Violet était juste une passante comme une autre, perdue dans ses pensées et-
-là !

Elle tourne légèrement la tête et son regard se pose sur un homme adossé sous un des rares lampadaires qui fonctionnait encore. La lumière tombe parfaitement sur son visage, l’illuminant malgré sa capuche. Juste assez pour qu’elle puisse discerner les traits dont elle se souvenait bien trop… D’aussi loin, les couleurs sont difficiles à discerner, mais elle se souvient qu’ils sont bleus, bleu azur quasi surnaturel, couleur tellement difficile à atteindre par mélange de peintures (elle le savait, elle avait essayé !). Le temps du choc, et voilà qu’il est en mouvement. Il quitte le projecteur pour s’engouffrer dans la nuit qui semble soudain un peu plus angoissante. Violet se souvient de la violente compagne de ce mystérieux adonis. Ou plutôt, son corps s’en souvient, quelques bleus encore visibles de ci de là… Quoique, son corps se souvient aussi du criminel, puisqu’elle s’était fait mal au pouce en lui donnant un coup de poing.

Elle se met à suivre aussi discrètement qu’elle ne peut (pas très) l’homme, horriblement curieuse, comme aimantée par le danger quasi sirénique qu’il représentait. Elle n’avait eu de cesse de ressasser l’affreuse expérience que lui avaient fait vivre les braqueurs… Mais plutôt que de retourner dans son squat en courant, elle suivait le danger. Violet est beaucoup trop curieuse pour passer cette opportunité en or.

Elle le suit jusqu’à une petite superette qui ne paie pas de mine. Après une hésitation qui dure moins d’une minute, elle recouvre hâtivement ses cheveux par la capuche intégrée à sa combi et s’engage dans le magasin. Elle vaque un peu, en essayant avec discrétion de garder constamment un œil sur l’homme… Qu’était-il venu faire ? Braquer la caisse ? Ce ne serait pas très malin, vu le coin ils ne devaient jamais garder beaucoup de cash, et puis ils avaient la protection du gang… Faire du trafic d’elle-ne-savait-quoi ? Plus elle observe plus… elle se rend compte qu’il semble simplement faire ses courses. Comme une personne normale. Comme elle, si elle voulait plus se fondre dans le décor.
La jeune femme attrape hâtivement un paquet de mnm’s. Mais quand elle relève la tête, il n’est plus dans son champ de vision ! Elle tourne la tête de tous les côtés, nerveusement, elle ne voulait pas rater sa chance à cause d’une minute d’inattention… Elle fait le tour du rayon et… Percute dans la précipitation la cible de sa mission. La cible très solide de sa mission. « Mince déso- » Elle ne s’en rend compte que quand elle relève la tête et que son sourire contrit disparaît puisqu’elle est face à face avec le voleur… Mais comme toujours, Violet ne reste pas pantoise bien longtemps, ni ne se démonte.

« Alors comme ça, les voleurs aussi font leurs courses comme le commun des mortels ? » Elle pose une main sur sa hanche et hausse les sourcils, lueur mutine dans le regard. « Vu votre butin, j’aurais pensé plutôt te croiser dans le centre, Monsieur-masque-tordu. Tu t’es perdu ? Parce que je peux t’aider à retrouver ton chemin, c’est justement mon quartier. » Violet ne sait pas pourquoi, mais croiser cet homme la met dans tous ses états… Quoique, peut-être que c’est parce qu’il l’avait kidnappée. Oui, sans doute… « Ça va, le nez ? » Si proche de lui, sans cordes pour attacher ses poignets ni femme ultraviolente qui monte la garde, ça la démange d’être aussi agitée qu’en temps normal… Ce qu’elle fait, d’ailleurs, en tapotant très légèrement le bout du nez de l’homme qui n’a pas encore pu en placer une. C'est qu'elle n'avait pas assez eu le temps de préparer ce qu'elle pourrait lui dire si elle le recroiser ! « Ca s’est joliment remis, félicitations ! »

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I

Violet était du genre optimiste, elle préférait voir le verre à moitié plein et imaginer le soleil même sous le temps le plus pourri, ça rendait la vie plus sympa et le silence plus tolérable… Elle détestait être seule et sautait toujours sur la moindre occasion de papoter et de se faire des nouvelles connaissances… Même avec le criminel qui l’avait prise en otage, en fait !

Violet ne sait pas du tout à quoi s’attendre, elle avait totalement improvisé vu que ce n’était pas vraiment prévu, de se faire prendre en pleine filature. Elle n’était pas vraiment la personne la plus discrète du monde -sa combi colorée, qu’elle avait peinte elle-même avec des fleurs et des vignes, n’aidait pas- mais là, c’était d’un plus haut niveau. Elle aurait dû avoir peur, mais bizarrement, elle ne l’était pas, au contraire elle était plus surexcitée que jamais, la nervosité la rendait encore plus bavarde qu’au naturel (si c’était possible) et elle a du mal à tenir en place. La jeune femme l’écoute répondre, toutes ses émotions se lisant comme un livre ouvert sur son visage -amusement, surprise, mutinerie.

« Oh, allez, je suis sûre que t’as eu moins mal que moi ! » Elle plaisante à moitié, elle avait eu un beau bleu à la main après ça, c’était dur un nez… Même si pas autant qu’une petite copine furieuse ! En tout cas, elle ne regrettait pas vraiment de l’avoir frappé, c’était un réflexe ! « Ne me fais pas rire, il y avait tellement de billets dans vos sacs, de quoi vous payer un beau ticket loin d’ici ! Ah moins que… oh ! » La jeune femme écarquille les yeux, et son visage s’illumine alors qu’une idée fulgurante et totalement loufoque lui vient.. « T’es une sorte de Robin des Bois des temps modernes, c’est ça ? Saperlipopette, j’aurais dû m’en douter !! » Violet n’avait quasi aucune notion d’argent, elle avait grandi avec une cuiller en argent dans la bouche, sans presque quitter la maison, et depuis qu’elle était dans la rue elle vivait beaucoup de trocs et autres échanges de bons procédés. Pour elle, le casse des deux braqueurs avait été énorme, quelle autre raison pour qu’il soit dans ce quartier ? Elle rit. « Pourquoi t’es surpris, je suis pas juste une gosse de riche, je suis une femme indépendante et totalement dans la galère mon cher criminel ! Ca rend la vie plus trépidante. » Confusion commune, vu sa bouille, et ses bonnes manières qui lui collaient à la peau -elle n’arrivait toujours pas à utiliser des vrais jurons, c’était plus fort qu’elle, ça faisait bien rire ses potes des rues. Elle avait aussi un accent très très posh. En tout cas, elle ne parle pas de sous comme si c’était un soucis, au contraire, Violet se moquait bien de devoir sauter des repas de temps en temps, et puis elle avait toujours des « potes » chez qui retomber quand elle avait besoin.

C’est qu’il avait l’air beaucoup moins menaçant, sous les lumières pourries de la superettes, habillé comme un mec normal, avec un panier rempli de courses et de… préservatifs… Ok, voilà Violet qui rougit comme une pivoine quand elle pose le regard sur le paquet, encore plus quand elle lit la taille… Ok, Vio, ma vieille, c’était pas une information que tu avais besoin de connaître !! Elle détourne difficilement le regard, et regarde encore plus difficilement en face Monsieur beau-gosse au nez remis. Diversion, diversion… Ah ! Violet continue de blablater, elle en avait presque oublié la question. Son regard vert tendre pétille fortement et elle lui offre un grand sourire.

Elle fait sauter son paquet de sucreries dans les airs, mais l’effet est gâché parce qu’elle manque de peu de ne pas le rattraper. Oups. Elle évite la catastrophe de justesse, avec un petit rire, et quelques mèches volantes :

« Très ! Trop ? Non, jamais, trop. Le sucre, c’est carrément trop bon, surtout quand personne n’est là pour m’empêcher de me goinfrer. Pas toi ? Ton panier manque carrément de friandises, faut remédier à ça, tiens, prend le, t’en as plus besoin que moi ! » Elle fourre le paquet qu’elle avait ramassé sans vraiment penser juste à côté des préservatifs, quoi, c’est vrai, elle avait entendu que le sexe pouvait être vraiment éreintant et rien de mieux que quelque chose de sucré pour se remettre en selle !

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V

iolet trouvait qu’il était un peu étrange, quand même, cet homme. D’accord, peut-être qu’elle digressait et sautait vite à des conclusions hâtives, mais c’est qu’il lui donnait peu de matière et qu’elle était curieuse, très curieuse. Elle avait une imagination débordante, Violet, trop débordante, aurait dit sa mère (mais sa mère aurait hurlé, si elle avait su qu’elle discutait normalement avec un type aussi dangereux alors…). Les faits, c’était d’un triste, donc elle ne pouvait pas s’arrêter au fait qu’il était un criminel et l’avait kidnappée et un peu traumatisée… Non. Son histoire ne s’arrêtait pas là, c’était certain.

« Tu devrais essayer. De me convaincre, je veux dire. Enfin de parler, un peu. Je suis curieuse, vois-tu, et j’aime bien comprendre ce qui m’entoure. » Et surtout, qui l’entoure. Il était mystérieux, lui, un peu trop sombre, il fallait éclaircir, mettre de la couleur. C’était comme une nouvelle création, transformer un mur tristement gris en explosion de couleur, faire ressortir les imperfections de la pierre ou du béton, pour que sa beauté n’en soit que plus grande.

Elle était comme ça, Violet, essayer de transposer tout ce qu’elle connaissait (des histoires et des traces de peinture) sur l’humain. C’était plus compliqué de les comprendre que dans les livres.

Elle hoche vigoureusement la tête lorsqu’il parle de la « façon de voir les choses ». Tout à fait d’accord ! Chacun ses points de vue et ses opinions après tout… même si franchement certains étaient difficiles à accepter. Mais elle avait été tellement couvée, surprotégée, qu’elle avait encore du mal, elle-même, à avoir des opinions tranchées. Trop facilement influencée par ce qu’on lui disait. Totalement incapable de discerner les mensonges, la plupart du temps.

Mais après ça elle est bien trop distraite par le contenu du panier. Curieuse, à s’en brûler… C’est franchement plus fort qu’elle, de lui remettre le paquet de M&M’s et de dire ce qu’elle dit… On lui avait appris à être honnête. Trop honnête, peut-être.

Et Violet…  Violet était beaucoup trop impulsive, aussi. Beaucoup trop inapte, relationnellement, à force de passer toute sa vie dans une tour dorée sans aucun contact à part sa mère. Violet était trop, tout simplement.

« Pourquoi ? La question c’est plutôt pourquoi tu me le demande, enfin, vu ce qu’il y a dans ton panier tu vas avoir besoin d’énergie ! Tu sais. Pour le sexe. » s’exclame-t-elle sans vraiment réfléchir pour lui répondre, comme si ça crevait les yeux. En même temps… C’était le cas… Le panier était sous son nez, elle ne pouvait pas l’ignorer. L’homme était son son nez, aussi, et… Elle venait de lui dire qu’il avait besoin de M&M’s parce qu’il semblait vouloir avoir beaucoup de sexe avec sa folle de petite copine ? OUPS. Mais elle assume totalement ce qu'elle venait de dire, même si c'est probablement pas quelque chose qui se dit à haute voix avec un quasi inconnu.

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