Sa place est dans l'océan. | Moana & Eric

▬ Moana & Eric ▬
Sa place est dans l'océan.

Comme tous les mercredis, ses jours de congés, Moana s'était réveillée tôt et avait rejoint la plage avec sa planche de surf et tout un tas de bazar à l'arrière de son vieux pick-up rouge. Sa mère lui avait offert cette voiture à sa majorité et elle n'arrivait pas à s'en défaire. Lorsqu'elle n'utilisait pas de bateau, elle passait une grande partie de sa vie dans ce véhicule un peu décrépit mais dont le moteur ronronnait comme un gros chat rassurant. Elle se gara en vrac sur le parking de la plage, encore vide, près du stand où il était possible de louer de l'équipement. Néanmoins, elle n'en avait pas besoin. Elle retira ses vêtements qui recouvraient son maillot de bain, noua le cordon de sécurité à sa cheville, et glissa sa grande planche de surf sous son bras. Elle verrouilla ensuite son pick-up (sans réelle inquiétude néanmoins car personne n'aurait envie de voler une voiture aussi délabrée) puis s'avança sur le pan de sable clair et doux. Il n'y avait personne sur la plage, juste le bruit des vagues roulant sur le sol et les cris des oiseaux marins venus pêcher quelques petits poissons imprudents. Elle cessa de marcher un instant pour fermer les yeux et écouter ces bruits simples qu'elle aimait tant, puis elle souleva à nouveau ses paupières et observa autour d'elle. C'est là qu'elle le vit.

C'était un petit dauphin commun, échoué sur le sable. Son cœur se serra et elle couru pour vérifier qu'il respirait encore. C'était le cas, mais faiblement. Elle devait faire quelque chose, mais le mammifère était lourd et enfoncé profondément dans le sol détrempé. Moana tourna la tête autour d'elle, cherchant l'aide de quelqu'un, mais elle était toujours seule. Seule avec ce pauvre animal en train de se déshydrater à vue d’œil. Habituée aux problèmes de ce genre et aux soins nécessaires à son espèce, elle détacha la planche de sa cheville et fonça à sa voiture. Elle récupéra un grand seau à l'arrière du pick-up et revint pour prendre de l'eau de mer et en arroser le dauphin généreusement. Entre deux mouvements, elle attrapa son portable qu'elle avait récupéré et mis dans son décolleté pour avoir les mains libres. Elle appuya sur une touche pour appeler un numéro entré dans ses favoris. La tonalité résonna dans le vide une fois. Deux fois. Trois fois. Quatre fois. Moana commençait à perdre espoir lorsqu'une voix masculine et ensommeillée lui répondit. Elle ne lui laissa pas le temps de se plaindre pour le réveil brutal. Chaque minute comptait.

« Eric, c'est Moana. J'ai un dauphin commun échoué sur la plage. Je ne suis pas assez forte pour le remettre à l'eau toute seule. J'ai besoin de toi. Fais vite, je t'en prie. »

Elle raccrocha. Il était temps de se remettre à arroser le pauvre dauphin. Ses bras allaient fatiguer vite à force, mais elle ne pouvait pas s'arrêter. Elle avait confiance en Eric. Il allait venir. Pas seulement pour elle, mais aussi pour l'animal. Il partageait son amour des bêtes.

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(c) GHOST

C'était une super soirée qu'il a passé avec des potes. Ils ont joué de la musique presque toute la nuit, ont bu des bières, ont parlé de filles, de sport, de moto et de plein d'autres choses. Non, vraiment, c'était une super soirée qui s'est terminée très tard. Mais Eric est en repos aujourd'hui, alors il s'est laché. Il a un sommeil très lourd, affalé en vrac dans son lit, portant encore les vêtements de la veille. Il se pourrait qu'il se soit couché sans même songer à retirer ses chaussures. Peut être même qu'il s'est endormi avant que sa tête ne touche l'oreiller?

bvvvvvvvvt bvvvvvvvvvvvvvvvt bvvvvvt et début d'une chansons de pink floyd. Il grogne et tâtonne les yeux encore fermés pour trouver son téléphone. Ah un peu plus loin... encore un peu plus loin... Un grand boum suivi d'un grognement plus sonore, Eric est tombé du lit. Il est réveillé au moins, mais il aura une belle bosse à la tête et au coude. Il attrape son téléphone et décroche sans même prendre le temps de regarder qui appelle.

« Eric, c'est Moana. J'ai un dauphin commun échoué sur la plage. Je ne suis pas assez forte pour le remettre à l'eau toute seule. J'ai besoin de toi. Fais vite, je t'en prie. »

« Okay »

Pas le temps d'en dire plus. Il raccroche, attrape son sac à dos et file dans le garage. Il chope un gressin au passage dans la cuisine et le met entre ses dents pour le grignoter en chemin. Une fois dans le garage, Eric fourre une bâche dans son sac, le met sur ses épaules, prend sa moto et file à la plage. Nul besoin de demander à Moana où elle est, il connait son spot préféré. Il vient le plus vite possible, sans mettre de casque, grignotant son gressin. Le vent termine de le réveiller, et la situation est pressante.

▬ Moana & Eric ▬
Sa place est dans l'océan.

Un long moment, Moana fit des allers-retours entre l'océan et la plage pour arroser le dauphin échoué. Enfin le temps ne fut pas si long que ça, mais l'angoisse et la fatigue - car c'était tout de même quelque chose de très physique qu'elle faisait - rendaient le temps plus long dans son esprit. Le son familier du moteur de la moto de son petit-ami fit naître une vague de soulagement dans le cœur de la jeune femme qui redoubla d'efforts pour maintenir le dauphin en vie. Elle était tellement reconnaissante à Eric d'être venu aussi vite, aussi tôt le matin, alors qu'il dormait encore. C'était pour ces gestes de pure bonté et d'extrême générosité qu'elle l'aimait autant. Cet homme aimait les animaux au moins autant qu'elle, même si son domaine de prédilection demeurait les primates. Dès qu'elle pu apercevoir sa silhouette sur la plage, elle agita le bras pour le saluer, le laissant venir jusqu'à elle. Elle ne pouvait pas quitter son patient des yeux, pas même une seconde. De nombreux oiseaux, des mouettes et des albatros, avaient commencé à s'amasser autour d'eux pour essayer de picorer le dauphin encore vivant. Moana faisait de grand gestes épuisants mais efficaces qui maintenaient ces vautours des mers à bonne distance. Quand Eric fut enfin près elle, la jeune femme soupira de soulagement.

« Oh tu es enfin là. J'ai cru que j'allais pas m'en sortir. Merci d'être venu aussi vite ! Tu as amené ta bâche pour le trainer dans l'eau ? »

L'idée était de poser la bâche au sol bien à plat, faire rouler à deux le dauphin jusqu'à ce qu'il soit sur la surface en plastique et non plus enfoncé dans le sable, puis trainer la bâche à bouts de bras jusque dans l'eau. Moana craignait que le soleil ne fasse des dommages irréversibles sur la peau fragile du dauphin s'il se desséchait trop. Heureusement il était tôt et Eric avait beaucoup de force, ils devraient s'en sortir avant qu'il ne fasse trop jour. Tout en parlant, elle s'était remise à faire des allers-retours, charriant encore et encore des seaux d'eau de mer pour arroser généreusement le pauvre animal à bout de forces.

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